Alors même que le législateur a entamé un processus de « simplification » du statut juridique des professions libérales réglementées par une réforme du 8 février 2023, un arrêt du 19 octobre 2023 rendu par la Cour de cassation bouleverse le paysage juridique des professions libérales en créant une insécurité juridique.
Par un arrêt du 19 octobre 2023[2], la Cour de cassation a jugé de manière inédite que les dividendes distribués par une société d’exercice libérale (SEL) à une société de participations financière (SPFPL) ont un caractère professionnel, et sont soumis aux cotisations sociales, comme s’il s’agissait d’une rémunération.
Ainsi, sur le fondement de l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, la Cour de cassation a ainsi admis l’assujettissement des dividendes versés par une SEL à une SPFPL aux cotisations de sécurité sociale aux motifs que :
- Le dirigeant est le seul associé professionnel en exercice au sein de la SELARL et le seul à générer des revenus permettant de constituer les dividendes distribués à la société de participations financières ;
- Les dividendes correspondent à la rémunération d’un travail plutôt qu’à des revenus d’un patrimoine ;
- Il importe peu que la société de participations financières soit dotée d’une personnalité morale distincte et soit soumise à l’impôt sur les sociétés.
La solution de cet arrêt est critiquable et suscite en pratique des interrogations à plusieurs égards, notamment :
- Quid en cas de distribution de dividendes par la SPFPL à l’associé ? En effet, à l’aune de cet arrêt, l’associé de la SPFPL est également susceptible d’être assujetti aux cotisations sociales en cas de distribution entre ses mains par la SPFPL. Cette solution emporte donc un risque de double assujettissement aux cotisations sociales.
- Quelle est la portée de cet arrêt ? Est-ce applicable à tous les gérants majoritaires de SARL ?
- La Cour de cassation soutient que le dirigeant « est seul associé en exercice au sein de la SELARL et le seul à générer des revenus permettant de constituer les dividendes », ce qui justifie l’assujettissement aux cotisations sociales. Devons-nous comprendre que la solution aurait été différente en présence d’une SELARL composée de plusieurs associés ?
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Il apparaît urgent et indispensable que le législateur intervienne pour mettre fin à cette insécurité majeure, laquelle constituera le cas échéant un frein au développement juridique des professions libérales réglementées.
A défaut, il est à redouter que le recours à la SPFPL soit réduit à peau de chagrin…
Mélissa DEBARA
Avocat associée
[1] Ordonnance du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions réglementées, prise sur habilitation de la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, en vigueur le 1erseptembre 2024
[2] Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 19 octobre 2023, 21-20.366, Publié au bulletin